LE VIEUX MOUCHEUR 

Mise au sec

 

 

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Mise au sec et remise à l’eau

Une pratique sportive de la pêche ne peut admettre, à mon avis, la mise au sec d’un brochet autrement qu’à la main, s’agirait-il d’un gros sujet. C’est parfaitement possible quand on veut bien se donner la peine d’apprendre à le faire et d’en prendre l’habitude.

Sur des poissons moyens, disons en dessous de 80 centimètres et dix livres, la prise à la main ne présente pas de difficulté particulière. Il suffit d’adopter la façon de faire que les pêcheurs d’Outre-Atlantique désignent sous le nom de “Snake grab” et qui pourrait se traduire par la technique de « croche-serpent » ou « prise en main des reptiles ». Pour ce faire, la main libre du pêcheur se présente ouverte en forme de pince, pouce d’un côté et autres doigts de l’autre, sur le dos du poisson. Elle l’agrippe là où la tête rejoint le corps, derrière mais surtout pas dans les opercules pour ne pas blesser et se blesser. Si l’on veut soulever le poisson, ceux-ci font butoir et empêchent la main de glisser.

Il y a lieu de prendre soin de ne serrer que la nuque et d’éviter ainsi de comprimer la cavité abdominale pour ne pas endommager les organes vitaux.  Cette prise en main est aussi sûre que l’enfoncement des doigts dans les orbites. Il s’agit là d’une pratique d’un autre âge dont on entend encore vanter les mérites au bord de l’eau face aux bouchons des lignes à vif. Ce comportement a d’autant plus la vie dure qu’il y a une dizaine d’années à peine, il a été publié l’image d’un grand nom présentant ainsi à l’objectif du photographe un poisson d’une dizaine de livres seulement.

Au-dessus de quatre-vingt centimètres et bien au-delà, l’échouage et la tenue par la nuque peuvent être simultanément utilisés lorsqu’ils sont envisageables. Mais l’opportunité d’un échouage se présente assez rarement.

Sur un gros voire un très gros sujet, plusieurs autres manières de faire sont efficaces et permettent soit de le monter aisément dans le bateau soit de le maintenir dans l’eau pour lui enlever le leurre de la gueule et le relâcher dans de bonnes conditions.

Pour sortir de l’eau un très gros sujet, il faut lui soulever la gueule hors de l’eau, glisser la main non  plus sur la nuque mais sous la gueule, en dehors des opercules. Entre ceux-ci se trouve une partie charnue servant de point d’attache du ventre au maxillaire inférieur et constituant en quelque sorte un “double menton”. L’index et le majeur formant chacun un crochet, introduits de chaque côté de cette partie charnue, paume de la main vers le haut, le poisson peut être soulevé par le dessous du maxillaire. Cette opération n’abîme ni les arcs branchiaux ni la mâchoire. Au pire, le pêcheur se sera fait quelques égratignures aux doigts s’ils ne sont pas gantés.

En hissant sans à-coups et en continu, le poisson peut être monté dans le bateau d’un seul mouvement. Il ne peut se blesser sur le flotteur d’un pneumatique ni même sur le plat-bord d’un canot en prenant la précaution de choisir la zone d’appontage et de la recouvrir d’un plastique quelconque.

L’épuisette classique ne me paraît ni nécessaire ni recommandée. Elle risque beaucoup plus d’abîmer les opercules ou les nageoires qu’une prise à la main. En outre elle devrait être d’une taille telle que son encombrement deviendrait excessif.

La gaffe ne peut être envisagée pour crocher un brochet à la manière d’un saumon parce qu’il serait alors exclu de le remettre à l’eau ainsi blessé. La nécessité de l’utilisation d’une gaffe longue et télescopique peut se concevoir lorsque la configuration des rives ne permet ni l’échouage ni d’atteindre le poisson pour le décrocher. Dans ce cas il suffit de passer la pointe du croc dessous et au milieu du maxillaire inférieur, de remonter le poisson ainsi pour le décrocher et de le remettre à l’eau de la même façon. L’opération s’effectue sans même que ne perle une seule goutte de sang. Pour ma part, sauf rarissime exception, j’ai renoncé à emporter cet encombrant instrument, même pour pêcher de la rive.

Le port de gants n’est pas un luxe superflu pour pêcher le brochet. Il doit s’agir de vrais gants et non de mitaines car c’est justement le bout des doigts qui requiert une protection. A l’usage, ceux qui servent au golf se sont avérés les plus fonctionnels. Quoique très fins, ils sont résistants et peuvent s’acheter à l’unité, main gauche ou main droite au besoin.

Ils évitent, le cas échéant, de se faire brûler et taillader le bout de l’index par la soie violemment tirée par exemple par une très grosse truite de lac passant par là. Cette mésaventure m’est arrivée à deux reprises pour avoir négligé de les mettre. A chaque fois et par réflexe, la douleur m’a fait lâcher la canne fort heureusement tombée dans le fond du bateau et non au fond de l’eau. Ils évitent bien entendu de se blesser et de blesser le poisson lors de sa mise au sec et pendant le décrochage du leurre.

Pour cette dernière opération il faut ouvrir la gueule du brochet. Ceci ne requiert aucun instrument particulier. L’emploi d’un écarteur à ressort est à déconseiller car certains systèmes sont susceptibles de blesser le poisson. Il suffit de tenir entre les doigts la partie charnue “double menton” évoquée plus haut et de redresser fermement et sans brusquerie le poignet en prenant appui sur la gorge du poisson. La gueule s’ouvre toute grande et laisse libre accès au leurre à décrocher. Quand celui-ci a été profondément engamé, il est souhaitable d’y accéder non par la gueule mais par l’arrière des opercules. La manoeuvre ci-dessus les fait s’écarter et s’ouvrir au maximum, tout naturellement comme par réflexe.

Il n’est pas question bien sûr d’effectuer le décrochage avec les doigts car il y a, un peu partout là-dedans, des dents coupantes comme un rasoir. Pour ce faire il existe des pinces spéciales. Pour ma part, j’ai adopté un clamp de chirurgie long de 25 centimètres. Cet instrument léger, inoxydable et autobloquant, s’achète sans problème et à prix abordable dans un magasin de petites fournitures médicales.  

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